Site institutionnel du Haut-Commissariat au Plan du Royaume du Maroc

JMS 2025 : Intervention de Monsieur Abdellatif Jouahri Wali de Bank Al-Maghrib



Messieurs les Ministres,
Monsieur le Haut-Commissaire au Plan,
Madame la Représentante du Fonds des Nations Unies pour la population,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les représentants des agences des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires Généraux, Honorable Assistance,
Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un réel plaisir de vous accueillir aujourd’hui au sein du centre de formation de Bank Al-Maghrib à l’occasion de cette quatrième édition de la Journée mondiale de la statistique. Je tiens tout d’abord à remercier Si Chakib Benmoussa, Haut-Commissaire au Plan, pour avoir pris l’initiative de célébrer cette journée dans notre pays et d’y avoir associé les partenaires nationaux et internationaux du HCP.

Depuis son arrivée à la tête de ce Département, il a davantage renforcé l’ouverture de cette institution sur son écosystème. Une telle démarche ne peut être que judicieuse ; pour un appareil statistique national fortement décentralisé, la coopération et la coordination étant des facteurs clés de performance.

Cette orientation s’inscrit également dans la vision de Sa Majesté le Roi, qui, dans son discours du 8 octobre 2021, a appelé à « une refonte substantielle du Haut-Commissariat au Plan dans la perspective d’en faire un mécanisme d’aide à  la  coordination  stratégique  des  politiques  de  développement  et d’accompagnement de la mise en œuvre du modèle de développement ».
La présente rencontre nous offre ainsi une nouvelle occasion de dresser le bilan des avancées réalisées en matière de production et d’utilisation de la donnée dans notre pays, et de réfléchir aux meilleures voies pour poursuivre le développement du système statistique national.

Je tiens, à cet égard, à féliciter le HCP pour la qualité du travail qu’il réalise, et à lui réitérer l’engagement et la pleine disposition de Bank Al-Maghrib à œuvrer conjointement pour promouvoir notre système statistique au service de notre pays, de son économie et de sa population.

Mesdames et Messieurs,
Au lendemain de la crise de 2008, la communauté internationale, sous le leadership du G20, a lancé une grande initiative visant à identifier les lacunes en matière de données économiques et financières. Cette dernière, dont la mise en œuvre se poursuit toujours, aura surtout mis en exergue la nécessité d’adapter de manière régulière les systèmes statistiques aux évolutions de l’environnement économique et social.

Aujourd’hui, la statistique est appelée à répondre aux besoins d’une nouvelle ère où l’incertitude s’impose désormais comme réalité dominante de l’économie et de la géopolitique mondiales. Cette situation est le résultat de chocs de diverses natures, de changements de paradigmes et de transformations structurelles profondes.

Depuis 2020, il y a eu, en effet, la pandémie, dont l’une des conséquences a été la forte perturbation des chaînes de production et d’approvisionnement et une accélération de l’inflation. Initialement considérée comme transitoire, celle-ci a été exacerbée par le renchérissement des produits alimentaires et énergétiques, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, à des niveaux jamais observés depuis des décennies.
 
A cela s’ajoutent les manifestations de plus en plus palpables du réchauffement climatique, l’accélération de la digitalisation et l’émergence de l’intelligence artificielle générative. En parallèle, la montée du populisme et de l’extrémisme dans de nombreux pays se traduit par des changements, parfois radicaux, de l’orientation des politiques publiques.

Au total, tout cela a des implications incertaines sur l’économie et sur le marché du travail, en particulier pour les jeunes, et induit également une recrudescence sans précédent de l’insécurité cybernétique qui n’épargne aucune institution ni aucun secteur d’activité.

Dans un tel contexte, la prise de décision devient un exercice complexe et difficile. Pour les banques centrales en particulier, les prévisions économiques, essentielles à la conduite de la politique monétaire et à la surveillance macroprudentielle, voient leur pertinence amoindrie en raison de l’affaiblissement des relations entre les agrégats économiques. On observe, à titre d’illustration, des évolutions paradoxales en apparence, de l’inflation sans demande comme en 2022/2023, de la croissance sans emploi, ou inversement, de l’emploi sans croissance.

C’est ce qui amène les banques centrales à redoubler d’efforts pour disposer de données fiables et actualisées, à recourir de plus en plus à l’analyse de sensibilité de leurs décisions aux changements de contexte et d’hypothèses et à adapter leur communication.

Alors que les besoins en données ne cessent de croître, les ressources allouées à la production de la statistique officielle pâtissent, dans de nombreux pays, du resserrement budgétaire. Les débats, et parfois les polémiques, comme celles
 
soulevées récemment aux Etats-Unis concernant la fiabilité des données du marché du travail, illustrent clairement les conséquences de telles politiques. Cela étant, et comme le stipule la résolution des Nations unies relative aux Principes fondamentaux de la statistique officielle, l’indépendance professionnelle et la responsabilité des organismes statistiques restent primordiales.

Aussi, le choix du thème de cette journée, « Stimuler le changement grâce à des statistiques et des données de qualité pour tous », n’est pas fortuit. Les Nations unies cherchent à mettre en exergue l’importance de la qualité et de l’accessibilité de la donnée pour conduire le changement plutôt que de le subir.

Mesdames et Messieurs,
Au Maroc, les autorités publiques ont toujours été conscientes de l’importance de doter le pays d’un appareil statistique à même de répondre à ses besoins pour la planification de son développement. C’est grâce à cette prise de conscience précoce et à tous les efforts consentis au fil des années que la statistique officielle marocaine jouit aujourd’hui d’une forte crédibilité auprès des institutions internationales et des investisseurs.

Pour préserver et renforcer son statut, elle est appelée à évoluer et à s’adapter aux changements du contexte, d’autant plus que le pays a amorcé de nombreuses transitions structurelles ces dernières années. La réussite de celles- ci est tributaire d’un calibrage approprié des politiques et d’un suivi étroit de leur mise en œuvre. Cela, conjugué aux exigences liées à la conduite des politiques conjoncturelles, notamment budgétaires et monétaires, impose de hisser dans l’agenda des priorités la mise à niveau du système statistique national.
 
Dans ce sens, les opportunités d’amélioration sont nombreuses. La couverture est appelée à être élargie, tant sur le plan géographique pour accompagner le déploiement de la régionalisation avancée, que sur le plan thématique, pour combler certaines lacunes, telles que, à titre d’exemple, les informations sur la richesse des ménages, l’évolution des salaires, l’investissement privé, le changement climatique,….

De même, la fréquence et les délais de production de certains indicateurs devraient être améliorés. A titre d’illustration, Bank Al-Maghrib a envisagé, dans le cadre de la transition vers un régime de change plus flexible et la mise en place d’un cadre de ciblage d’inflation, d’accroitre le nombre de réunions du Conseil. Cet objectif n’a pas été concrétisé vu qu’une partie des données fondant la décision en matière de politique monétaire n’est produite qu’à une fréquence trimestrielle ou avec des délais longs.

Ces améliorations, et bien d’autres, ne relèvent pas de la responsabilité d’une seule institution, mais requièrent un effort collectif.

En effet, nous sommes conscients à titre d’exemple que le HCP à lui seul ne peut parvenir à raccourcir les délais de diffusion des comptes nationaux. Tous les autres producteurs doivent également apporter leur contribution en fournissant les données sectorielles nécessaires à leur élaboration dans des délais appropriés.

Sur un autre volet, notre pays n’est pas épargné par les débats sur le décalage entre les mesures objectives de la statistique officielle et les perceptions des agents économiques. Pour l’inflation en particulier, et comme dans de nombreux pays à travers le monde, les ménages perçoivent souvent une inflation plus élevée que ce qu’indiquent les données officielles. Cet écart n’est pas sans conséquences sur la confiance dans la donnée et sur l’adhésion à l’action publique. Plusieurs institutions internationales œuvrent d’ailleurs à en comprendre les causes et identifier les moyens d’en atténuer l’ampleur.
 
Sur le plan légal, les textes régissant la statistique marocaine remontent à plus d’un demi-siècle, et même ses dispositions sur le volet de la coordination ne sont pas réellement appliquées. Une loi actualisée et effective faciliterait grandement la production et l’accessibilité de la statistique officielle. Il faudrait toutefois une véritable mobilisation de toutes les parties prenantes, le HCP ayant tenté d’avancer dans ce sens depuis de nombreuses années, mais sans résultats tangibles.

Mesdames et Messieurs,
Bank Al-Maghrib pour sa part cherche à adapter en permanence ses modes de production aux évolutions du contexte économique et social. Elle a lancé, dans ce sens, une refonte de son système d’information pour faire émerger un pôle statistique autonome, et a mis en place un cadre approprié pour sa gouvernance. Elle produit une grande quantité de statistiques de manière régulière, mais recourt aussi, surtout dans des contextes de crises et d’incertitudes à des données non structurées pour compléter celles officielles.

Avec les changements de paradigme qui s’opèrent, elle œuvre à tirer parti des opportunités offertes par la digitalisation et l’intelligence artificielle générative pour renforcer son agilité et la qualité de ses prévisions.

L’objectif de ces efforts et initiatives ne se limite pas à répondre uniquement aux besoins de la Banque, mais également à ceux de son écosystème et de ses partenaires.

Evidemment, tous cela requiert des compétences humaines de haut niveau et des ressources financières importantes, mais le budget alloué à la statistique ne devrait pas être considéré comme une dépense de fonctionnement, mais plutôt comme un investissement prioritaire pour mieux fonder et orienter les décisions en matière de politique publique.

Mesdames et Messieurs,
Malgré un environnement externe incertain et les contraintes majeures liées à la succession des années de sécheresse, notre pays a fait preuve d’une grande résilience et connaît, ces derniers mois, un essor économique conséquent. Ces résultats sont certes le fruit d’un effort continu de réformes et de mise à niveau de ses infrastructures, mais la production statistique, quoique moins apparente, y apporte une contribution certaine en éclairant la prise de décision et en facilitant le suivi de sa mise en œuvre. Elle mérite donc que nous la célébrions et que nous nous mobilisions tous pour assurer son plein développement. Près de 20 ans après l’adhésion à la Norme spéciale de diffusion des données du FMI, la prochaine étape serait de rejoindre le groupe restreint des pays ayant souscrit à la NSDD Plus.
Je vous remercie pour votre attention.

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Mis en ligne le Mardi 21 Octobre 2025 à 16:48

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